mercredi 25 janvier 2012

La Nuit Sacrée

J'ai ces derniers mois un peu trop usé et abusé de mon Pennac et de son droit n°1 : "le droit de ne pas lire". C'est un fait, toute grande lectrice que je suis - est dit "grand lecteur" celui qui lit plus de 20 livres par an, mais je trouve que finalement on pourrait refondre cette définition et faire une moyenne sur plusieurs années. Par exemple, j'ai eu des années à 50 livres tandis que la dernière année, j'ai plutôt plafonné à 10.  Du coup je trouve qu'il serait assez commerçant de me faire une ristourne et de me laisser ce titre VIP de grand lecteur - je me suis laissée happer par la vie, les enfants, les organisations de fêtes, d'anniversaires, de sorties, de repas et autres réjouissances.
 
Heureusement, je suis revenue à la lecture il y a quelques temps et ce grâce à mon grand ami littéraire, j'ai nommé le métro. Oui, oui, le métro n'en déplaise aux sceptiques est grand ami de la littérature, il n'y a qu'à voir le nombre de livres dévorés dans son antre. On n'est finalement pas si loin d'une petite bibliothèque municipale. Bref, j'ai employé une vieille technique éprouvée, la technique dite du "je prends le métro dans 5 minutes (sans les enfants pour me faire un show). Mince, j'ai pas de livre dans mon sac. Vite, qu'est-ce que je prends ? Aïe aïe aïe j'suis pressée. Tiens, ça fait longtemps que j'ai envie de lire du Tahar Ben Jelloun (dans notre cas, mais on peut remplacer par un autre auteur)...". Cette fameuse technique a été suivie d'un autre monologue intérieur que j'ai la gentillesse de vous retranscrire (incursion direct dans ma tête donc, vous serez gentils de laissez le lieu dans l'état dans lequel vous l'avez trouvé en sortant et je vous rappelle que la personne qui s'en occupe n'est rémunérée que par vos mots) : "Mince, c'est un diptyque, nan ? J'suis sensée commencer par lequel ? Ah nan ! Wiki semble dire qu'ils peuvent se lire séparément. Bon, j'ai plus le temps, tant pis. L'Enfant de sable... La Nuit Sacrée... L'Enfant de sable... La Nuit Sacrée... Hop ! La Nuit Sacrée !" Évidemment, je ne vais pas  faire planer le suspens plus longtemps (à moins que vous ne le sachiez déjà), il s'agit bel et bien d'un diptyque et forcément La Nuit Sacrée en est le deuxième volet, sinon ça ne serait pas drôle ! En même temps, j'ai pu le suivre parfaitement sans avoir lu L'Enfant de sable (que je vais lire incessamment sous peu comme va le prouver la suite de ce fabuleux article).
La Nuit Sacrée, qu'est-ce donc ? C'est un livre écrit par Tahar Ben Jelloun en 1987 et qui a reçu le Goncourt la même année. Voilà pour ceux qui veulent frimer lors des dîners en ville en citant des auteurs goncourisés. Sinon, en évitant de tout dévoiler, c'est l'histoire d'une femme qui réacquiert sa féminité, son identité et sa personnalité. Voilà, voilà en terme d'histoire, je vous laisse vous débrouiller avec ça (toujours aussi sympa la mère qui rit, hein !).
L'année dernière, mes chers amis, faut-il qu'il vous en souvienne, nous avions décidé juste (enfin, nous, ça veut dire moi, mais personne n'avait bronché que je sache) qu'en 3 points, je vous donnerais les raisons de lire un bouquin. Donc, voici voilà... tadam  : pourquoi lire La Nuit Sacrée (hormis pour frimer dans les dîners en ville comme mentionné précédemment !)
1) Parce qu'on adore les contes orientaux ! Comment ça, ON n'adore pas les contes orientaux ? Eh bien, ON a tort et ON va y remédier. La Nuit Sacrée, c'est un conte oriental contemporain et adulte. C'est plonger dans l'orient, c'est se laisser guider par cette narratrice, si fascinante, dans les méandres de sa culture, de sa conscience mais aussi de son inconscient : "Amis ! La nuit s'est prolongée derrière mes paupières. Elle faisait le ménage dans ma tête qui s'est beaucoup fatiguée  dernièrement. Des voyages, des roues, des cieux sans étoiles, des rivières en crue, des paquets de sable, des rencontres inutiles, des maisons froides, des visages humides, une longue marche... Je suis là depuis hier, poussée par le vent, conscient d'être arrivée à la dernière porte, celle que personne n'a ouverte, celle réservée aux âmes déchues, la porte à ne pas nommer, car elle donne sur le silence, dans cette maison où les questions tombent en ciment  entre les pierres." C'est s'immerger dans cet état de semi-conscience, de bascule entre l'éveil et le sommeil, s'aventurer dans ses contrées du Maghreb, dans le corps d'une femme qui fait l'expérience de la découverte de ce qu'elle est.
2) Parce que c'est une très belle histoire d'amour profonde et sensuelle sans tomber dans le racoleur ou le gnangnan ! Eh oui, vous ne pensiez plus ça possible à l'ère où soi-disant la preuve de la qualité littéraire se mesure à l'aune du trash sexuel, mais on trouve encore des textes contemporains (oui bon d'accord, ce livre a été écrit au XXeme siècle mais ce n'est finalement pas si loin, nom de nom), charnels, sensuels, amoureux, excitants mais sans débordement : "J'étais heureuse que le premier homme qui aima mon corps fût un aveugle, un homme qui avait les yeux aux bouts des doigts et dont les caresses lentes et douces recomposaient mon image. Ma victoire je la tenais là ; je la devais au Consul dont la grâce s'exprimait principalement par le toucher. Il redonna à chacun de mes sens sa vitalité qui était endormie ou entravée". J'avais oublié pour ma part et ça fait un bien fou de s'en souvenir !
3) Parce que ce livre rappelle que l'orient n'est pas fait que d'oppresseurs de la femme. Oui je sais, quand on suit l'actualité, on a l'impression de n'entendre parler que de burka, de lapidation de femmes en place publique, de femmes mises au ban de la société, mais ici Tahar Ben Jelloun nous livre un des plus beaux textes sur la féminité qui soit. "Je suis en rupture avec le monde, du moins avec mon passé. J'ai tout arraché. Je suis une arrachée volontaire, et j'essaie d'être heureuse, c'est-à-dire de vivre selon mes moyens, avec mon propre corps. J'ai arraché les racines et les masques. Je suis une errance qu'aucune religion ne retient. Je vais et traverse les mythes, indifférente..." L'histoire d'une femme qui se libère, qui fait une longue traversée pour devenir ce qu'elle est profondément, avec cette sensibilité troublante et authentique, écrite par un homme, ce genre de petit bijou, je ne sais pas vous mais moi j'appelle ça de la littérature, de la vraie. 

Du coup, "foin des bocks et de la limonade", euh nan je m'égare là, foin du conventionnel et du logique, je m'en vais très rapidement lire L'enfant de sable pour découvrir la genèse de ce personnage dont j'ai suivi le difficile mais si beau parcours initiatique.

Bonne lecture et à très vite !

2 commentaires:

  1. ça donne envie ! me reste plus qu'à avoir assez envie pour trouver le temps de m'y plonger, car pas de métro dans ma contrée ! ;-)

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    1. C'est vrai que lire en conduisant c'est pas le top ! Sinon, pour ma part, je me suis imposée la lecture d'un chapitre chaque soir avant de me coucher et comme les chapitres de ce livre sont courts (entre 5 et 10 minutes de lecture, c'est presque rien), ça n'a pas été compliqué. Evidemment, très rapidement, je me suis enquillée 2-3 chapitres d'un coup, tant ça me plaisait.

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